Instaurer un climat de confiance et de partage
Participer à une session d’entretien utilisateur peut se révéler intimidant et peu naturel, aussi bien pour la personne interrogée que pour le modérateur. En effet, cet exercice est assez éloigné des habitudes conversationnelles que l’on peut avoir au quotidien avec nos proches.
L’utilisateur se sentira bien souvent dans une posture proche de celle d’un examen, où ses réponses seront jugées bonnes ou mauvaises.
En tant que designer, il est important de casser cette dynamique très rapidement afin de préserver le climat de confiance de la discussion et de faire comprendre aux participants que leurs réponses et leurs avis sont tous légitimes, qu’il n’y aura aucun jugement ni comparaison.
Pour permettre aux utilisateurs de s’immerger plus simplement dans l’exercice, prenez le temps de vous présenter et demandez-leur de faire de même. Soyez aussi très clair sur le format (durée, contexte, attentes…) et répondez à toutes leurs questions en amont.
À cette étape, vous devez vous assurer que la personne en face de vous a compris :
- Pourquoi elle était avec vous aujourd’hui ?
- Quels sujets vous allez aborder ensemble ?
- Quel format et quelle durée sont à prévoir ?
Pour ne rien oublier et si vous avez encore du mal avec cette étape, pensez à rédiger votre introduction en amont.
Savoir différencier empathie et sympathie
Lorsque l’on réalise un entretien utilisateur, on peut avoir tendance à vouloir valider les propos que l’utilisateur nous transmet.
“Oui, oui, tout à fait, c’est bien ça.”
“Effectivement, vous avez raison.”
À l’inverse, il peut nous arriver de partager les émotions négatives des participants :
“C’est dommage que vous ayez eu ce problème, vraiment ça m’embête aussi… ”
On parle ici de sympathie lorsque nous établissons un lien basé uniquement sur le soutien et l’intérêt. À l’inverse, lors d’entretiens de recherche, on essaie avant tout de faire preuve d’empathie.
Vous n’êtes pas en entretien pour tenter de consoler l’utilisateur qui n’aurait pas apprécié une partie de l’expérience de votre produit. Vous êtes là pour comprendre son retour, connaître ses sentiments et les analyser de la manière la plus précise.
Même si cela rend votre discours un peu moins “familier”, vous devez conserver cette distance émotionnelle qui vous permettra de bien analyser les retours de vos utilisateurs sans y projeter votre affect.
Vous éviterez aussi d'introduire un biais de confirmation en validant le propos de l’utilisateur qui ne pourra pas apporter de lui même toute la nuance qu’il aurait souhaité.
Mettre ses hypothèses en suspens
Bien souvent, lorsque l’on entame un entretien utilisateur, notre esprit n’est pas forcément libéré de toutes les hypothèses que l’on peut avoir sur le sujet. Elles sont parfois liées à notre connaissance (ou méconnaissance) du produit, aux autres entretiens que l’on a réalisés avant, ou encore aux contraintes business et techniques du projet.
Toutes ces causes altèrent notre esprit critique et il convient de se préparer mentalement avant chaque entretien utilisateur pour réduire ces biais.
Une bonne pratique est de lister les hypothèses que l’on a avant nos entretiens pour ne pas les oublier. Puis, on s’interdit d’y retourner tant que l’on n’a pas terminé la session de recherche. Ainsi, on peut replonger dans ses hypothèses et passer chacune d’entre elles pour les confirmer ou les infirmer grâce aux enseignements fournis par les utilisateurs.
Bien gérer le rythme et savoir être patient
L’entretien que vous réalisez doit davantage ressembler à une discussion qu’à un interrogatoire. Évitez à tout prix d’enchaîner les questions sans prendre le temps de creuser les réels motifs et raisons derrière les réponses.
Cela vous permettra d’obtenir de la matière plus actionnable dans votre analyse et vous montrerez aussi à votre interlocuteur que vous êtes réellement intéressé par son expérience.
N’oubliez pas que vous êtes avant tout en entretien pour écouter et guider votre interlocuteur dans ses souvenirs et ressentis vis-à-vis de votre produit. Il se peut qu’une personne soit vraiment attachée à un point précis qui relève du détail au regard de votre analyse.
Laissez-lui le temps de développer ce sujet “annexe” pour votre étude, vous pourriez tout de même y trouver des informations pertinentes ou des candidats potentiels pour de nouvelles sessions d’entretiens.
Comment savoir quand un entretien doit s’achever ?
Outre les contraintes temporelles imposées par le cadre de l’entretien, on peut parfois se demander comment être certain que l’on a réussi à récolter la totalité des retours de l’utilisateur ?
Une bonne méthode est d’observer les répétitions dans les réponses. Si vous voyez au fur et à mesure de vos questions que les utilisateurs reviennent toujours vers les mêmes thématiques, ou vous donnent des motifs et raisons similaires, il y a de grandes chances que l’entretien touche à sa fin.
Vous pouvez-vous en assurer en reposant une des questions précédentes pour confirmer que la personne n’ait plus de nouvelles idées en tête :
“J’aimerais juste revenir quelques minutes sur ce que vous m’avez dit plus tôt, pouvez vous m’expliquer à nouveau selon vous comment … ”
N’aillez pas peur des répétitions aussi bien de votre côté que de celui de votre interlocuteur.
Comment bien conclure : le wrap-up
Pour terminer l’entretien, vous pouvez — si le sujet s’y prête — élargir la discussion en posant une question d’ouverture ou de projection.
“Si vous aviez une baguette magique, qu’est ce que vous changeriez tout de suite sur notre produit ?”
Attention cependant, les réponses apportées ici ne sont pas à prendre au pied de la lettre comme des opportunités d’évolution pour votre produit. Servez-vous en pour confirmer des comportements ou des tendances. Bien souvent les utilisateurs reviendront sur un sujet déjà évoqué, ce qui pourra vous donner une indication que ce détail possède une importance plus élevée que les autres.
Après l’entretien : créer une base d’utilisateurs proactive
Si vous appliquez les quelques méthodes et conseils que nous avons vus ensemble, il y a de fortes chances pour que vos entretiens soient des expériences enrichissantes pour vous et vos interlocuteurs.
Si tel est le cas, prenez le réflexe de capitaliser sur ces sessions en construisant une base d’utilisateurs qui seront à même de rapidement répondre pour de nouvelles sessions d’entretiens utilisateurs.
En ayant une base d’utilisateur fidèle, vous pourrez par contre compléter vos panels lorsque vous avez des désistements. Ou vous pourrez solliciter ces utilisateurs plus engagés dans des méthodes de recherche plus poussées (tri de carte, tests d’utilisabilité, journal de bord…)